Aide aux indépendants en difficultés

Rencontre avec les conseillers du dispositif « Ré-Action » de la Province de Luxembourg.

Malgré les craintes générales en la matière depuis le début de la crise du Covid, les indépendants n’ont semble-t-il pas encore massivement poussé les portes des CPAS de la province pour solliciter de l’aide auprès des services de médiation de dettes. Ils ne rencontrent peut-être pas tous des difficultés ou bien, ils ont peut-être trouvé d’autres pistes de solution. Il n’en reste pas moins que certains d’entre eux auront probablement besoin d’aide un jour ou l’autre et se tourneront vers le CPAS à cet effet. Pour rappel, la médiation non judiciaire est toujours ouverte à tous, y compris aux indépendants encore en activité.

Dans le monde de la médiation de dettes, nous sommes de manière générale peu familiarisés avec le domaine des entreprises et ne nous sentons pas armés pour apporter une aide efficace aux indépendants qui poussent la porte de nos services. En effet, quel médiateur de dettes peut prétendre être en mesure d’évaluer la rentabilité de l’activité professionnelle d’une personne qui viendrait le consulter, pour savoir quelles pistes s’offrent à elle afin de sortir de ses difficultés financières ? Peut-elle continuer son activité, qui doit alors lui rapporter assez de bénéfices pour proposer un plan de remboursement à ses créanciers, après avoir payé ses charges  professionnelles et privées ? Doit-elle s’orienter vers une réorganisation judiciaire ? Doit-elle faire faillite ?

Nous avons donc récemment rencontré les conseillers du dispositif « Ré-Action » en Province de Luxembourg pour savoir si nous pouvions orienter les indépendants vers eux et si une collaboration entre nos services pouvait se mettre en place.

Voici le résumé de cet entretien très cordial :

Monsieur Wagelmans, pourriez-vous présenter votre service et votre mission?

Le dispositif « Ré-Action » est un programme  d’accompagnement économique et financier aux entreprises et entrepreneurs de moins de 10 personnes qui traversent une période de difficultés passagères.  C’est un outil, financé par la Région wallonne, coordonné par la Sogepa, avec les Chambres de Commerce et de l’industrie comme opérateurs de terrain. C’est une évolution du service « rebond » qui existait précédemment.

Je suis  conseiller pour la Province de Liège et de Luxembourg.  Monsieur Maxime Piret est, pour sa part, en charge du volet financier de                      l’accompagnement mais le soutien financier qui peut être proposé ne concerne que les entreprises constituées en société.

Quelles sont les conditions pour pouvoir faire appel à votre service ? Faut-il être en ordre de cotisations sociales pour y avoir accès ? Doit-on pouvoir produire une situation comptable récente?

Pour l’accompagnement, toutes les entreprises de moins de 10 ETP (personne physique, ASBL, SRL…) sont acceptées. Il faut juste être encore inscrit auprès de la BCE (banque carrefour des entreprises). Une demande peut être faite via le site de la Sogepa : https://www.sogepa.be/fr/re-action/introduire-demande

Comment exercez-vous vos tâches ?

Ma mission d’accompagnement s’articule ainsi :

  • proposer des pistes de réflexion et d’actions pour répondre de la manière la plus efficace aux problématiques rencontrées, ou que l’on soupçonne, sur base d’une analyse approfondie de la situation.
  • apporter des éléments de réponse, dès le premier rendez-vous, permettant d’y voir plus clair;
  • aider l’entreprise à rebondir elle-même afin de poursuivre l’activité économique;
  • accompagner et/ou orienter l’entreprise vers l’interlocuteur adéquat, quelle que soit la problématique identifiée;
  • rétablir le dialogue, le cas échéant, avec les professionnels du droit, du chiffre et/ou du financement;
  • clôturer, le cas échéant à nouveau, le plus sainement possible l’activité.

L’objectif est de permettre à l’entrepreneur de  retrouver la voie de la rentabilité économique ou de cesser ses activités dans les meilleures conditions. Nous avons des conventions avec des avocats qui peuvent intervenir 5 heures par dossier pour aider la personne à trouver des solutions. Il faut d’abord me fournir un dossier complet de la situation avant de pouvoir consulter l’avocat.

Notre mission de base est de sauver l’entreprise, sous sa forme actuelle ou sous une autre, après faillite. Il nous arrive de réfléchir à la forme que pourra  reprendre cette activité après une faillite afin de ne pas perdre tout ce qui a été mis en place. Certaines faillites sont dues à la malchance (incendie…) et il serait dommage de ne pas pouvoir rebondir ensuite et de ne pas profiter de l’expertise acquise par l’entrepreneur, de sa base de données clients…

Cependant, nous sommes souvent amenés à procurer aussi un accompagnement social, pour sauver la personne. Dans certains dossiers, tout est mêlé, les dettes privées et professionnelles et nous ne sommes pas à même d’aider cette personne. L’accompagnement administratif n’est pas dans nos missions et nous ne pouvons pas le faire par manque de temps.

Nous pouvons faire l’analyse de la rentabilité de l’entreprise et déterminer s’il y a du disponible pour les créanciers. Ça permettrait de mettre une collaboration en place avec les SMD qui peuvent ensuite proposer un plan de remboursement sur base des chiffres que nous leur aurons fournis. Malheureusement, les gens viennent souvent trop tard et ne pourront pas remonter la pente car les dettes sont trop importantes même s’il y a du disponible. Il faut alors les orienter vers un avocat et la faillite. Il faudrait une collaboration avec l’INASTI et un système d’alerte en cas de cotisations sociales impayées.

L’idéal est d’avoir déjà fait un relevé de ses charges et de ses dettes avant de venir me voir afin de pouvoir commencer rapidement le travail d’analyse. Cette liste peut même être faite à la main.

C’est en cela qu’un service de médiation de dettes pourrait apporter son aide à la personne, pour préparer votre rencontre ?

Oui, c’est effectivement une aide utile, compte tenu de l’habitude des services sociaux dans l’établissement des budgets. Il faut que le dossier soit un peu construit. Sinon, je sors de ma mission en commençant à tout mettre en ordre. Je réponds avec plaisir aux questions des médiateurs de dettes.

Le problème avec un indépendant, c’est qu’on n’a pas de vision certaine des revenus qui vont arriver.

Une fois le budget réalisé, je peux apporter des  conseils sur les marges de manœuvre possibles avec les cotisations sociales.  Par contre, la négociation avec les créanciers privés est identique à celle pour un particulier non indépendant et cela relève du travail du médiateur de dettes.

Avez-vous connu un afflux plus important de demandes depuis le début de la crise Covid ?

Oui, au début de la crise, nous avons eu de nombreux dossiers à traiter, surtout des entreprises qui étaient déjà en difficultés avant la crise – depuis lors, la  situation est un peu figée compte tenu du moratoire sur les faillites jusqu’en mars 2021.  Les reports de crédits sont toujours actifs et les entrepreneurs ne sont pas encore acculés.

Les cotisations sociales et le SPF Finances mettent du temps avant de réagir face à des impayés mais ensuite, ils ne lâchent plus le dossier. L’entrepreneur n’a pas tendance à s’adresser à un CPAS, surtout pas en milieu rural où il est connu. Il faudrait une structure à part.

Donnez-vous des informations sur la faillite en ordre général même sans ouvrir de dossier?

Oui, je le fais volontiers, tant que je ne suis pas débordé par les demandes. Notre directrice insiste pour que toute question concernant une entreprise soit entendue et qu’on y cherche des réponses.

Un indépendant n’aura pas facilement le réflexe de s’adresser à un CPAS pour solliciter de l’aide en cas de difficultés financières. Il manque manifestement un accompagnement permanent et professionnel à destination des indépendants, et plus particulièrement ceux en personne physique en Wallonie, à l’exception de la province de Liège qui a créé un tel service. Ce dispositif, créé au sein du Carrefour Santé Social (CaSS) de la province de Liège depuis juillet 2020, apparaît comme un modèle à investiguer.

L’indépendant qui en passe la porte se voit  accompagner par les assistants sociaux du service (aidés par juristes et psychologues), tant vers les CPAS, le tribunal, le bureau d’aide juridique, la gestion d’un endettement, la santé mentale, etc. Le fait d’avoir ces interactions régulières avec ces différentes institutions et services crée une expertise cumulée toujours mieux adaptée aux indépendants. Le service tourne manifestement à plein régime et il est à craindre que les demandes s’intensifient avec la fin du moratoire sur les faillites. Il pourrait en outre être imaginable que ces dispositifs deviennent aussi l’endroit d’un accompagnement structurel qui semble manquer aux indépendants même en-dehors de la crise. 

Est-ce envisageable selon vous, de créer un CaSS en province de Luxembourg ? 

Je trouve qu’effectivement l’idéal serait la mise en place d’une structure comme celle qui a été créée à Liège. Je suis disposé à collaborer à sa mise en place.

Plus d’infos : Service Re-Action : https://www.ccilb.be/fr/services-re-action – Sébastien Wagelmans : 0499/ 751 468