Une après-midi avec un Huissier de Justice.
On l’imagine toujours en costume cravate, le visage austère, prêt à faire embarquer les meubles de la maison ou à délivrer une citation à comparaître en justice. Il fait partie de ces gens que l’on voudrait ne jamais rencontrer lorsque l’on a des dettes. Il est aussi celui sur qui on compte beaucoup quand quelqu’un nous doit de l’argent… C’est l’huissier de justice !
Nous avons eu l’occasion de rencontrer un huissier de Justice et l’avons accompagné lors de sa tournée des saisies durant toute une après-midi. Nous vous racontons cette expérience !
Autant dire que notre vision de la profession a radicalement changé depuis…. Nous devons bien l’avouer, tout comme une grande majorité de personnes, notre représentation liée à cette profession était au départ relativement négative. En effet, les Huissiers de Justice ont très souvent mauvaise presse… Ils apparaissent comme les professionnels du monde juridique et judiciaire les plus mal-aimés. Ils sont souvent présentés comme des personnes sans cœur qui s’acharnent sur les gens en difficulté avec pour seul objectif d’exécuter leur mission froidement.
Et pourtant, l’expérience vécue nous a démontré que la réalité était peut-être toute autre… Pas de costume sombre, pas de visage austère…Nous avons rencontré une personne bien loin du cliché sévère de l’Huissier de Justice….
Nous avons rendez-vous à l’étude en début d’après-midi et rencontrons Maître Jacquet, Huissier de Justice au sein de l’Etude Graulich à Neufchâteau.
Nous nous mettons rapidement en route ensemble avec une pile de dossiers. L’objectif d’une tournée d’actes et de saisies est de se rendre à l’improviste chez le débiteur accompagné d’un témoin… Ce jour-là, les témoins, c’était nous!
Lors de la saisie proprement dite l’Huissier dresse la liste des biens qui pourront être vendus dans un procès-verbal. Cette liste doit contenir la description précise des objets saisis. Bien que les objets restent sur place, ils deviennent indisponibles pour le débiteur, ce qui veut dire qu’il ne peut plus ni les vendre, ni les déplacer sous peine de poursuites pénales. La vente des objets ne peut avoir lieu qu’un mois au plus tôt après la saisie. L’Huissier peut également procéder à une saisie par les fenêtres, c’est-à-dire noter les meubles qu’il voit directement par la fenêtre, sans même rentrer dans le logement (et ce en vue d’éviter les frais d’intervention d’un serrurier mais également la mauvaise publicité auprès des voisins de par la présence des policiers).
Il faut savoir qu’à tout moment de la procédure, le débiteur peut évidemment proposer un plan de remboursement à l’Huissier ou au créancier, et ce afin d’éviter cette saisie de la vente de ses biens.
Durant le trajet pour atteindre notre première « mission », l’Huissier nous explique en détails sa profession. Nous devons bien reconnaitre que nous avons été quelque peu submergées par ces informations tant la matière est complexe et le champ d’action très large.
Quelque peu anxieuses de voir comment allait se dérouler cette première « saisie », nous nous attendions en effet à vivre des moments peut-être délicats.
Pour Maître Jacquet, les visites à domicile sont prioritaires dans de nombreux cas car cela permet un contact direct avec le justiciable, et c’est lors de ce contact qu’il peut, soit évaluer la situation réelle dans laquelle se trouve l’intéressé, ou alors trouver un terrain d’entente.
Lors de la première intervention. Maître Jacquet a joué un rôle de médiateur. Il a écouté avec attention l’histoire difficile d’une dame âgée et n’a pas procédé à la saisie dès lors que la débitrice lui a promis un paiement dans la semaine….
Elle venait de recevoir confirmation du paiement de son allocation de survie…. Nous laissons donc cette dame, confiants qu’elle honorera rapidement ses promesses !
Nous remontons en voiture, continuant notre périple et passant de domicile en domicile. Nous n’avons pas toujours de réponses positives…. Les personnes n’étant pas forcément présentes. Nous approchons des situations qui nous semblent, au premier regard, difficiles d’un point de vue humain et social….Maître Jacquet a, durant toute cette après-midi, gardé son côté bienveillant.
Les Huissiers de Justice font un métier particulier somme toute nécessaire. Ils entrent en scène quand toutes les procédures ont échoué.
Pour Maître Jacquet et l’Etude Graulich qu’il représente, il est important de trouver des solutions grâce aux contacts qu’ils ont avec les personnes endettées. Ils souhaitaient jouer leur rôle dans le lien et la cohésion sociale, effectuer un travail de proximité, en lien direct avec les citoyens. Ils veulent être accessibles et atteignables.
Durant cette après-midi, Maître Jacquet a démystifié l’image que nous nous étions construite de l’Huissier de Justice. Eux-mêmes sont soumis à des procédures très longues et très structurées. Ils sont loin de faire ce qu’ils veulent pour récupérer les sommes dues.
En résumé, il vaut mieux prendre directement contact avec l’Huissier afin de trouver une solution et ainsi éviter de laisser trainer une situation qui ne pourra que s’aggraver. Vous pouvez trouver quelqu’un de bienveillant à l’autre bout du fil.
Force est de constater que la méthode choisie par Maître Jacquet est payante. En effet, nous avons repris contact avec lui pour faire un rapide retour sur cette journée. Il nous a alors expliqué qu’un certain nombre de personnes visitées avaient donné une suite favorable. La dame âgée que nous avions rencontrée en début de tournée a notamment payé une partie de ses dettes dans la semaine qui a suivi et a réglé l’entièreté de celles-ci par la suite.
Nous souhaitons remercier Maître Jacquet ainsi que l’Etude Graulich de nous avoir permis de l’accompagner durant cette tournée.
Catherine Laurent et Julie Bouillon du GAS.
Suite à cette après-midi, nous avons demandé à Maître Jacquet de nous faire part de son ressenti sur notre participation à cette tournée des saisies. Vous trouverez ci-après ses commentaires:
« C’est avec grand plaisir que j’ai pu montrer un des aspects de la profession d’Huissier de Justice à Mesdames BOUILLON et LAURENT lors d’une tournée d’actes et de saisies ce 06/08/2019.
En vue d’être complet dans le cadre de la procédure de recouvrement, il me semble utile et nécessaire de vous préciser qu’hormis dans le cadre du recouvrement amiable, l’Huissier de Justice ne procédera JAMAIS à la saisie du mobilier ou d’une voiture appartenant à un redevable (ci-après dénommé DEBITEUR) qu’en vertu d’un titre exécutoire (jugement, arrêt ordonnance, contrainte, acte authentique ou autres) lequel doit, sauf exceptions légales, être nécessairement signifié (porté à la connaissance par remise d’une copie certifiée conforme suivant exploit d’Huissier) au débiteur.
Il n’est pas rare que l’Huissier de Justice ne rencontre pas la partie débitrice à son domicile parce qu’elle n’est pas là où qu’elle n’ouvre tout simplement pas.
Dans ces conditions, l’Huissier de Justice délaisse une copie de l’exploit sous enveloppe fermée dans la boite aux lettres du débiteur et ce dernier recevra le premier jour ouvrable qui suit, par pli simple adressé par la poste, un courrier mentionnant que l’Huissier de Justice s’est présenté tel jour à telle heure.
Cette remise par pli dans la boite aux lettres vaut signification et est tout à fait légale.
Quant à la saisie exécution mobilière, l’Huissier ne procède à celle-ci qu’à défaut de réaction de la part de la partie débitrice.
Lors de la tournée de ce 06/08/2019, aucune saisie n’a été pratiquée et ce, pour diverses raisons. Un seul dossier aurait pu faire l’objet d’une saisie mais a finalement été transformé en procès-verbal de paiement.
Le contexte était le suivant : malgré plusieurs passages, un commerçant ne daignait donner suite aux rappels qui lui avaient été adressés. Sur place, un employé était présent et j’ai demandé à parler au patron.
Celui-ci s’est présenté et m’a déclaré ne rien devoir. Je lui ai montré qu’une décision avait été prononcée et signifiée. Celui-ci me faisait part ne rien avoir reçu de sorte que je lui ai montré copie des exploits et courriers lui adressés. Dans ces conditions, l’intéressé s’est finalement résigné (il a reconnu avoir quelques soucis de négligence dans ses papiers) et a soldé immédiatement les sommes entre mes mains de sorte que j’ai transformé mon procès-verbal de saisie en procès-verbal de paiement.
De manière générale, je considère qu’il est enrichissant de pouvoir démontrer l’exactitude de notre rôle sur le terrain lequel est souvent fortement décrié.
Régulièrement au bureau nous recevons des courriers, courriels ou appels téléphoniques de divers CPAS, lesquels nous demandent de suspendre notre intervention dans l’attente de trouver une solution étant donné que le débiteur vient de se manifester auprès du centre et ce suite à la saisie du mobilier, voir quelques jours (heures….) avant la vente.
Dans ces conditions, il est difficilement justifiable de stopper une vente judicaire avec un acompte dérisoire alors que l’Huissier s’est présenté au minimum un mois avant la vente publique en vue de procéder à la saisie mobilière et que ce dernier n’a jamais (ou presque) effectué de versement.
En participant cette après-midi avec Mesdames BOUILLON et LAURENT, j’espère avoir démontré que le rôle d’un Huissier, au-delà du rôle économique, joue un grand rôle social vis-à-vis de la partie débitrice en expliquant les risques qu’entraine un défaut de paiement et en expliquant qu’un plan de paiement est souvent possible.
Bien souvent notre intervention est le fruit de négligence ou de peur de prendre contact avec l’Etude en vue de soumettre une proposition de paiement laquelle est bien souvent accordée.
Mesdames BOUILLON et LAURENT m’ont déclaré en fin de journée qu’elles ne s’attendaient pas à ce qu’un Huissier agisse de la sorte et pensaient que nous étions moins conciliants.
Ces dernières se sont montrées très curieuses dans la manière d’agir d’un Huissier et c’est avec joie que j’ai tenté de leur prouver que notre rôle n’est pas conforme à la vision générale des gens et, j’ose espérer, avoir démontré que c’est bien souvent le contraire.
Comme expliqué à ces dernières, nous agissons de manière neutre et impartiale. Même si notre but est de procéder au recouvrement par toutes voies de droit, il n’empêche pas de rester correct avec les gens et d’agir au mieux des intérêts de toutes les parties présentes au litige. »
Pour l’Etude Graulich, Maître Jacquet.